Questions

Les membres du Conseil Permanent de la Communauté d’Agglomération Pays Basque ont voté, le 12 avril 2022, la création d’une aire de grand passage des gens du voyage à Bayonne Nord, chemin du Moulin de Pey. 

Les aires de grand passage.. (AGP) ont vocation à accueillir les groupes de résidences mobiles des gens du voyage qui se déplacent collectivement à l’occasion de grands rassemblements traditionnels ou occasionnels. Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage permet notamment aux collectivités d’accueillir une population sur des périodes déterminées moyennant une subvention par emplacement qui n’est pas négligeable pour financer ces aménagements …

I – Ont-ils pris conscience que ce projet se trouve à l’entrée principale de l’Espace Naturel Sensible (ENS) du Habas ? A l’évidence, non.

Zonage PLU-Plan

Faut-il expliquer ce qu’est un ENS ?

L’Espace Naturel Sensible (ENS) du Habas est un classement mis en œuvre par le Conseil Départemental qui doit répondre à deux critères principaux : 

  • préserver la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels fragiles menacés par l’urbanisation croissante,
  • ouvrir au public ce site comme lieu d’éducation à l’environnement et de découverte des richesses naturelles.

Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) impose également dans ses principes la mise en œuvre d’une politique environnementale globale qui préserve et valorise le patrimoine naturel et environnemental de grande qualité.

L’ENS du Habas recouvre un territoire de 90 hectares dont 1/3 de la surface se trouve sur le Domaine de Ségur.

II-L’Aire de Grand Passage des Gens du Voyage est-il compatible avec l’ENS  ?

La Communauté d’Agglomération du Pays Basque (qui regroupe 158 communes) aurait examiné 17 sites potentiels pour créer une aire de de grand passage des gens du voyage. Monsieur le Maire de Bayonne a proposé « son  terrain » relate Sud-Ouest dans son édition du 2 mai situé à l’entrée de ENS sur le Domaine de Ségur qui appartient cependant à des propriétaires privés.

Ces mêmes propriétaires ont déjà fait valoir que le terrain choisi sur leur domaine avait été occupé illicitement par les Gens du Voyage en juin 2019, et le jugeant trop humide ces derniers s’étaient déplacés dans un terrain voisin classé ENS. 

Le silence du département des Pyrénées Atlantiques chargé de l’ENS est d’autant plus surprenant que toutes les caractéristiques de ce terrain justifiaient une intervention pour s’assurer de la cohérence de ce projet vis-à-vis de la préservation de l’Espace naturel dont ils ont la gestion. Le risque d’incendie a-il été évalué en raison de la situation du Petit Bernardin avec un terrain situé dans la continuité des Landes ?

Ainsi les propriétaires n’ont eu qu’à subir les dégradations causées par les gens du voyage : ornières, excréments, poubelles, intrusion dans leurs bâtiments, vols d’outils, saccage des prairies, perte du foin des chevaux, blocage de l’avenue Henri de Navarre…), le représentant de la Communauté d’Agglo se disant impuissant à réparer les dégâts.

benne à ordure

Au regard des enjeux écologiques et environnementaux de l’Espace Naturel Sensible, la décision du Maire de Bayonne manque de cohérence. Alors qu’au cours d’une réunion, début avril, à la mairie de Bayonne, il reconnaissait que le site naturel du Domaine de Ségur était remarquablement protégé, qu’il venait s’y promener régulièrement, admettant ainsi l’incompatibilité de la présence des gens du voyage dans un espace naturel de cette qualité.

Comment le Président de la Communauté d’Agglo Pays Basque, également maire de Bayonne, peut-il faire croire que le terrain choisi chemin du Moulin de Pey est LE meilleur emplacement pour installer une aire de grand passage des gens du voyage ? 

III –De l’existence de terrains alternatifs à l’aire de grand passage sur le chemin du Moulin de Pey:

Pourquoi lancer une expropriation sur un domaine privé alors que la commune de Bayonne possèdait déjà dans le secteur de la zone artisanale de Saint Etienne une superficie de près de 6/8 ha -Bordenave/Séqué et Ruisseau des Anges  avec des terrains parfaitement desservis et viabilisés qui n’ont pas été présentés dans la liste des sites à examiner par l’agglomération pour le projet d’aire de grand passage ?

plan de situation des terrains projet Sequé 4

Y-avait -t-il d’autres projets prioritaires à l’aire de grand passage pour le maire de Bayonne au moment de la sélection des sites? En effet, la destination de ces terrains n’était pas encore connue ? la Mise en compatibilité projet Séqué4 s’est effectuée très récemment du 15 mars 2023 au 15 avril dernier…

Avis de concertation emportant mise en compatibilité du Projet Séqué 4

Le terrain de Saint Pée sur Nivelle est trop petit, clame le vice-président de la Communauté d’Agglo dans la presse locale. Pourquoi ne pas l’agrandir ? Ce terrain existe, il est hors agglomération, loin de toute habitation…

Le terrain d’Arcangues sur la route de Cambo, en face de la ZAD de Planuya, est un lieu idéal, selon le maire de Bayonne. Ce terrain accueille les Gens du Voyage depuis quelques années, vaste et facile d’accès au rond-point de Planuya. Pourquoi ne pas le pérenniser ? 

Plus concrètement, le terrain de Barroilhet à Biarritz situé à proximité du pôle d’IZARBEL avait été désigné comme Aire de Grand Passage , projet abandonné depuis à la grande satisfaction du maire de Biarritz et de Bidart pour Bayonne…Ces deux terrains rachetés depuis par l’EPFL sont toujours en portabilité et en déshérence ?

Aucun autre terrain ne serait disponible sur les 158 communes de la Communauté d’Agglo  avant de se tourner vers une procédure d’onéreuse d’expropriation?

Terrains de Barroilhet et friche Biarritz

Maison abandonnée de Barroilhet
terrain de Barroilhet

Friche secteur Barbarenia jouxtant Barroilhet .

II Le projet d’aire de grand passage se trouve intégré dans la ZAD-cadran Nord Est de Bayonne.

Il est à noter que le projet d’aire de grand passage n’est qu’une composante d’un ensemble beaucoup plus vaste appelé ZAD-cadran Nord voté en 2022 qui permettra à l’Agglo du Pays Basque de pouvoir exercer de manière discrétionnaire son droit de préemption sur toutes les licitations de propriétaires privés afin de mener des projets d’intérêt général ou d’aménagement collectif. La ZAD a pour objectif de geler le prix du foncier et pour conséquence de « priver » le propriétaire de la plus -value générée par l’urbanisation future en permettant au porteur du projet d’aménager à sa guise l’espace foncier. Ce mécanisme aboutit bien souvent au blocage du marché participant à la crise du logement et la surconsommation des espaces naturels .De part l’ampleur du zonage de la Zad cadran Nord Est de Bayonne (48 ha depuis la zone d’activité Saint Etiennne jusqu’à l’usine Bil ta garbi) elle impacte un nombre conséquent de riverains qui ont eu l’occasion d’exprimer leur mécontentement dans les pétitions. http://www.leslignesbougent.org/petitions/abandon-du-projet-d-installation-d-une-aire-de-grand-passage-pour-les-gens-du-voyage-sur-le-domaine-naturel-de-segur-7946/

Il suffit de se rappeler les oppositions à l’ouverture de l’usine BIL Ta Garbi implantée dans le quartier de Bayonne Nord au milieu d’une zone d’habitations en dérogation des dispositions Seveso alors que les communes de France prévoient habituellement ce type d’implantation à plus de 20km de la sortie de leur ville. L’usine de traitement des déchets ayant fait l’objet d’incendie à répétition est rebaptisée aujourd’hui  » Canopia « , se doit d’être exemplaire au regard de la transition écologique avec un projet d’installation de centre de tri-sélectif qui interroge sur les aménagements à prévoir à proximité des Pépinières Maymou sur une zone naturelle. Un parallèle à rapprocher du projet ZAC ARKINOVA à Anglet qui pose la question d’une appropriation de terrains jusqu’ici préservés sur une site naturel avec des projets menant à l’utilisation de terrains non constructibles pour la construction d’entreprises durables ce qui aboutirait irrémédiablement à l’artificialisation des sols, extrait de la pétition: « NON à la destruction de l’espace boisé et maraîcher d’Anglet »: https://chng.it/vQhNvKsHYn

IV- Qu’est-ce qu’une ZAD?

La zone d’aménagement différée (ZAD) est un procédure qui permet aux collectivités locales via l’utilisation du droit de préemption d’acquérir les terrains et les biens immobiliers prioritairement afin d’en assurer la maitrise foncière pour mener des projets d’intérêts général.En réalité il s’agit aussi une « arme à destruction massive » à l’encontre des zones naturelles lorsque celles-ci se trouvent englobées dans ce périmètre contre lequel aucun recours n’est possible! Le mécanisme de la ZAD est toutefois incompatible avec l’application de la loi ZAN qui pour but de limiter la consommation du foncier et privilégier la densification ou encore le recours à des friches déjà artificialisées.

Notez en passant que le droit de préemption que s’attribuent les collectivités locales n’a pour effet bien souvent que de retarder les constructions de logements sur tout le Pays Basque et d’entraîner une augmentation des prix des terrains constructibles par une diminution des mises sur le marché des terrains constructibles avec pour conséquence immédiate l’augmentation des prix des propiétés baties. Les électeurs devraient comprendre qu’ils sont soumis a des méthodes peu consensuelles qu’ils financent par ailleurs et qui aboutissent à leur spoliation au moyen de structures budgétivores qui accaparent l’épargne publique .

A ce jour la destination du périmètre de la ZAD Nord-Est de Bayonne n’est toujours pas connue de sorte que l’usage de cet outil de préemption permet de se positionner sur des terrains situés sur des espaces naturels qui ne sont pas destinés initialement à la construction et que le projet de loi relatif à l’industrie verte pourrait faciliter. En effet en invoquant un projet d’intérêt général au prix de multiples dérogations aux lois environnementales, l’agglomération du Pays Basque pourra « acquérir » ces terrains afin d’y développer des industries durables et obtenir la mise en compatibilité du PLU bien évidemment! Pour comprendre le mécanisme, il suffit pour exemple de se reporter à la mise en compatibilité du PLU d’Anglet avec le projet ARKINOVA https://www.registre-dematerialise.fr/4563/

V- A quoi sert la compensation et les « crédits carbone ».

La « compensation » consiste à payer pour que d’autres réduisent leurs émissions, ou créent des puits supplémentaires (ex : reforestation), tout en s’appropriant la baisse correspondante.

A première vue, cela peut sembler logique : plutôt que de baisser mes émissions d’une tonne de CO2, si je paye quelqu’un d’autre pour qu’il le fasse à ma place (par exemple parce que c’est moins cher), ou que je le paye pour qu’il absorbe la tonne de CO2 en plantant des arbres, l’atmosphère ne verra pas la différence.

Dans cet esprit, le conseil d’administration du Science Based Target Initiative, une organisation qui fait référence pour enregistrer les déclarations des entreprises en matière de stratégie de décarbonation, a fait il y a quelques mois une déclaration qui a fait grand bruit : les « crédits carbone » (matérialisant une réduction obtenue ailleurs en théorie) étaient éligibles dans une stratégie de décarbonation de ses activités pour une entreprise.

Carbone 4 a alors rédigé un texte expliquant pourquoi ce point de vue semblait inadapté, texte qui a été signé par plusieurs centaines de dirigeants et experts, et publié dans Les Echos : https://lnkd.in/eEMVHNWA

L’affaire s’est terminée par la démission du DG du SBTI (https://lnkd.in/ezaT66gW). Pour ne pas en rester là, les équipes du SBTI viennent de publier deux documents, résumés par Carbone 4 dans un article (lien dans l’image ci-dessous), qui confortent la position des adversaires de la « compensation ».

Le premier document rappelle que l’empreinte carbone ne donne pas toute l’information sur la compatibilité d’une entreprise avec un scénario de décarbonation à l’échelle planétaire. Pour un fabriquant de vélos électriques, par exemple, si l’empreinte carbone augmente ce n’est pas nécessairement une mauvaise affaire pour le climat, puisque cela peut signifier plus de clients qui utiliseront ce moyen de transport plutôt qu’une voiture !

Ce même document rappelle également que la « compensation » n’est pas éligible pour diminuer l’empreinte carbone. Entre autres, « compenser » ne baisse pas d’un iota la dépendance de la chaîne de valeur aux combustibles fossiles, et ne diminue donc pas le risque de transition.

Le second document rappelle que les « crédits carbone », trop souvent, ne correspondent pas à une véritable séquestration de carbone ou à une véritable baisse des émissions « ailleurs », parce que le projet sous-jacent ne tiendra pas ses promesses.

VII- Qu’est-ce que l’artificialisation des sols?

Définie par la loi Climat et Résilience de 2021, l’artificialisation des sols est « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. »

Lorsque des opérations d’aménagement sont réalisées (habitat, activités, commerces, infrastructures, équipements publics…), la structure et la composition des sols sont profondément transformées et dégradées, les habitats naturels sont détruits et fragmentés, les paysages sont modifiés.

VIII-Qu’est-ce que le ZAN?

La loi ZAN du 20 juillet 2023 vise à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols et à répondre aux difficultés de mise en œuvre du ZAN sur le terrain.

La Loi Climat et Résilience impose depuis 2021 une diminution des consommations d’espaces de 50% par rapport aux années 2011-2020 dates incluses. Cette donnée est confortée par un 52 % pour le SRADDET et le projet présenté pour le PLUi Littoral serait d’une diminution de 54 %.Les Services de l’État indiquent une consommation  de 54 ha pour les dix ans de référence pour Bayonne .Comment la ville de Bayonne entend-elle réduire sa consommation d’espaces pour parvenir à cet objectif ?

En quoi le ZAN est un atout pour notre territoire?

De quoi parle-t-on ? L’artificialisation nette des sols est le solde de l’artificialisation et de la renaturation des
sols. Il s’agit donc de comptabiliser la différence entre les espaces nouvellement artificialisés et les espaces
désartificialisés sur une période et un territoire donné. Ce solde devra être nul en 2050, c’est l’objectif que s’est
fixé la France avec le ZAN, le Zéro Artificialisation Nette qui a été adopté dans le cadre de la Loi Climat et
Résilience de 2021. Afin d’atteindre l’absence d’artificialisation nette en 2050, la loi fixe ainsi un premier jalon de
division par deux du rythme de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sur la décennie 2021-
2031 par rapport à la décennie précédente (2011-2021).
Jusqu’à présent la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers augmente. Elle a augmenté de 72 %
entre 1982 et 2018 et presque 4 fois plus vite que la population (+19 %) sur la même période et de façon
légèrement supérieure au PIB (+68 %) ; elle est encore trop souvent considérée comme une condition nécessaire
au développement des territoires. Le rythme d’artificialisation est notamment lié à la dynamique du secteur de
la construction (source CGDD, 2019).
Or, d’après le rapport de l’IPBES (2019), le changement d’usage des terres et la dégradation des sols sont les
premiers facteurs de destruction de la biodiversité terrestre et de perte de fonctionnalités des écosystèmes. Le
sol est une ressource non renouvelable à l’échelle humaine qui assure des bienfaits essentiels à la viabilité des
sociétés humaines et des écosystèmes (e.g. production de denrées alimentaires et non alimentaires, régulation
du changement climatique, habitat pour la biodiversité, etc.).
L’enjeu posé par le ZAN est de préserver des sols fonctionnels, capables d’assurer ces services essentiels et
cruciaux, tout en permettant aux territoires de répondre à leurs besoins. Cela implique d’adopter dès
maintenant une stratégie radicalement différente en termes d’aménagement du territoire (dans ses dimensions
régaliennes, fiscales, etc.), en plaçant la sobriété, et notamment la sobriété foncière, comme fondement de
développement de tous les secteurs d’activités.
Différents travaux de prospective de l’ADEME montrent qu’il serait possible de concilier une politique de
sobriété foncière ambitieuse permettant l’atteinte du ZAN en 2050 avec le maintien d’une croissance
économique en France en 2050 (Scénarii de Transition(s) 2050). En particulier, dans une approche purement
comptable, réindustrialiser en France semble possible sans nécessairement artificialiser massivement de
nouveaux espaces si on parvient notamment à profiter du potentiel de recyclage des friches et à accélérer
massivement leur mobilisation (au maximum 30 % de la surface de friches pourraient satisfaire l’ambition d’un
PIB industriel porté à 15 %. Source : Etude SCET, 2023).
La stratégie pour atteindre le ZAN à 2050 repose sur deux leviers indispensables que sont la sobriété foncière
et la renaturation.
La renaturation constitue l’un des leviers pour atteindre le ZAN en 2050. Cependant, la restauration d’un sol
fonctionnel peut prendre des centaines, voire des milliers d’années et ne peut enrayer la destruction irréversible
de certains sols. C’est la raison pour laquelle il convient avant tout d’éviter de détruire les sols et de les préserver.
Ainsi, la sobriété foncière est la condition sine qua non pour atteindre les objectifs de ZAN et de préservation
des sols. D’après les scénarios Transitions 2050, l’ADEME estime qu’il faudrait diviser par 10 le rythme
d’artificialisation actuel d’ici 2050 et que la renaturation pourrait uniquement permettre de compenser
l’artificialisation résiduelle.
Une politique de sobriété foncière, en plus de favoriser le maintien des services écosystémiques rendus par les
sols, présente de nombreuses externalités positives pour les citoyens. Elle contribue au maintien de la
souveraineté alimentaire, à la qualité urbaine et au recyclage urbain, à la requalification des friches, à une
proximité aux services et à l’emploi et encourage la mobilité active, etc.

Concilier la loi ZAN (zéro artificialisation) qui repose sur la sobriété foncière, engendre mécaniquement une hausse de prix liée au fait que ce qui est rare est cher , le ZAN s’avère être un exercice incompatible avec le mécanisme induit par la ZAD (zone d’aménagement différé) afin de permettre à l’EPFL d’acquérir au plus bas prix… C’est la fin programmée des ZAD, ZAC qui sont incompatibles avec l’introduction de la loi climat et résilience qui est certainement plus efficace pour réduire la consommation d’espaces naturels achetés à bas prix.